Jean-Pierre Brun nous a quittés ce mercredi 30 octobre 2019 à Rennes à l’âge de 69 ans. C’est avec beaucoup de tristesse et d’émotions que l’ensemble du Conseil d’administration, des équipes salariées, volontaires et bénévoles de l’association des petits débrouillards tient à lui rendre hommage, pour l’ensemble de son parcours et de ses engagements personnels, universitaires et associatifs.

Professeur émérite à Géosciences Rennes et chercheur internationalement reconnu en Sciences de la Terre et pour ses travaux sur la tectonique, Jean-Pierre Brun a été président des petits débrouillards Bretagne de 1994 à 1998. Il avait intégré le conseil scientifique de l’association en 2009. Scientifique résolument tourné vers la diffusion des connaissances scientifiques et techniques, il a fait partie des initiateurs/trices du projet petits débrouillards en Bretagne, en s’impliquant à la fois dans les orientations et la structuration de l’association sur le territoire breton, et au sein du mouvement national des petits débrouillards avec l’ensemble des acteurs et partenaires des nos réseaux.

Militant enthousiaste de l’éducation aux sciences pour tous et par tous, convaincu que les actions de médiation scientifique doivent se mettre d’abord au service de tous les jeunes pour leur permettre de développer leur esprit critique, Jean-Pierre avait le goût de la didactique, de l’enseignement et du débat d’idées qu’il a transmis à plusieurs générations de petit.e.s débrouillard.e.s tout au long de sa vie. Nous sommes éternellement reconnaissants de l’engagement de Jean-Pierre et reprenons ici son portait publié sur le site de l’OSUR.

Au nom de tous les petits débrouillards, David Bellanger, Grégory Célo, Olivier Sepulchre, présidents des petits débrouillards Grand Ouest.

Hommage à Jean-Pierre Brun.

 

Professeur émérite à l’université de Rennes 1, chercheur en tectonique à Géosciences Rennes

 

Jean-Pierre Brun a été recruté comme assistant en 1974 à Rennes, où il soutient sa thèse de doctorat de 3e cycle en 1975 (“Contribution à l’étude d’un dôme gneissique, le massif de Saint-Malo, Massif Armoricain”). Maître-assistant jusqu’en 1981, il est promu professeur des universités en 1982, à 33 ans, à l’Institut de Physique du Globe de Paris et à l’Université Denis Diderot, Paris 7. Il revient en 1988 en Bretagne pour prendre la succession de Pierre Choukroune à la tête du Centre Armoricain d’Etude Structurale des Socles, qu’il rebaptisera Géosciences Rennes, et où il était professeur émérite depuis 2014 (lire “30 années d’association au CNRS” in “Hors série N° 3 – J.P. Brun & M.A. Ollivier (Coord.) – 150 ans de géologie à Rennes. 105 p., 2000. ISBN 2-914375-00-X).

 

Homme de terrain, théoricien tout autant que modélisateur en laboratoire, expert de la géologie armoricaine, il a voyagé sur tous les continents pour étudier la déformation des plaques tectoniques. Ses travaux, alliant observation de terrain et modèles physiques ont eu un rôle fondamental pour la compréhension de la dynamique de la planète Terre.

 

Au début des années 80, Il a été à l’origine du développement de la modélisation analogique de systèmes géologiques avec l’utilisation de matériaux originaux. Il a appliqué cette approche à une grande variété de processus allant des bassins (tectonique au sel) à la lithosphère (rifting et chaine de montagne). Cette approche a été adoptée par de nombreux laboratoires français et étrangers, comme Amsterdam, Canberra, Florence, Montpellier, Rome, Austin, Toronto, Uppsala, ETH Zürich. En parallèle à cette approche expérimentale, il a abordé les objets géologiques emblématiques par une analyse quantitative de la déformation ductile combinée à l’utilisation de données de terrain et de données géophysiques (gravimétrie, sismique profonde et tomographie). Ces travaux ont eu aussi un impact sur l’exploration pétrolière comme l’attestent les nombreuses collaborations avec des partenaires industriels français et étrangers.

 

En ce début d’année 2019, il nous avait proposé une synthèse sur les “core complexes” : une introduction diactique, limpide – comme à l’accoutumée ! – d’un article paru en octobre 2018 qui associait également Jean Van Den Driessche, pour une “revue invitée” d’un numéro spécial de la revue Tectonophysics dédié à la mémoire de Evgenii Burov, éditeur en chef de cette revue brutalement décédé en 2015. L’article passait en revue les travaux de terrain et de modélisation analogique et numérique, réalisés en particulier par des chercheurs de Géosciences Rennes depuis la fin des années 1980, concernant le développement des « core complexes », en replaçant les résultats obtenus dans le contexte historique de la recherche internationale autour de ce sujet. La découverte des core complexes, au tournant des années 1970-1980, d’abord dans la Province du « Basin and Range », très vaste domaine d’extension continentale Tertiaire dans l’Ouest des Etats-Unis d’Amérique, puis ensuite dans quasiment toutes les chaînes de montagnes phanérozoïques fut, pour notre compréhension de l’extension lithosphérique et de la déformation intracontinentale, une véritable révolution conceptuelle et méthodologique dans le domaine des géosciences (lire : “Les “Core complexes” crustaux et mantelliques. Un peu d’histoire des sciences… géologiques… à Rennes”)

 

De fait, Jean-Pierre Brun était internationalement reconnu comme un scientifique majeur, ayant permis des avancées de premiers ordres en Sciences de la Terre. Il a ainsi été reconnu comme tel par ses paires, avec entre autres, les médailles Stephan Mueller en 2008 et Arthur Holmes en 2017 décerné par l’European Geophysical Union (EGU), et les prix de l’Académie des Sciences (1990) et de la Société Géologique de France (1996). Son excellence scientifique a été reconnue par sa nomination en tant que membre senior à l’Institut Universitaire de France (1997) et membre de l’Academia Europaea (2005).

 

Jean-Pierre Brun a joué un rôle de premier plan dans le pilotage des structures d’enseignement supérieur et de recherche en France. Il a été, entre autre, président de la section 18 du Comité National de la Recherche Scientifique de 1991 à 1995, vice-président recherche de l’Université de Rennes 1 de 1997 à 2001, directeur du laboratoire Géosciences Rennes de 1991 à 1995 et président de la Société Géologique de France de 2005 à 2006.

 

Son expertise scientifique novatrice lui a permis de forger de nombreuses collaborations, aussi bien dans le domaine académique qu’avec l’industrie. Enseignant et chercheur passionné, il a également laissé derrière lui toute une génération d’étudiants qu’il a formée à la tectonique. Il a ainsi dirigé plus d’une quarantaine d’étudiants en thèse qui occupent aujourd’hui des postes dans l’industrie ou l’enseignement supérieur et la recherche. Il a ainsi joué un rôle déterminant dans le rayonnement du laboratoire de Géosciences Rennes mais aussi un rôle majeur et directeur au niveau national et international en Sciences de la Terre.

 

Jean-Pierre Brun était un scientifique brillant et résolument optimiste, enthousiaste et passionné, grand amateur de bonnes choses, de belles problématiques géologiques et de grandes discussions scientifiques. La géologie française perd l’un de ses grands serviteurs.