On devait s’attendre à ce qu’une étude sur le maïs transgénique NK603, tolérant au roundup, ne passe pas inaperçue.
On ne pouvait pas prévoir qu’une revue scientifique reconnue (c’est à dire avec comité de lecture) publie des résultats “non conclusifs”, comme on a pris l’habitude de dire depuis quelques semaines.
Cela en effet complique sensiblement la discussion et demande donc, qu’on essaie d’en démêler les différents aspects. Il y a d’abord la question de l’évaluation des résultats scientifiques, avec 1) L’évaluation de l’étude proprement dite, 2) L’évaluation scientifique par les pairs, 3) L’ expertise par les agences (gouvernementales, européennes, internationales, …) intervenant dans ce genre de dossier.
1) L’évaluation de l’étude:
Les auteurs soulignent assez que leur étude vise les éventuels effets à long terme de la consommation d’un Maïs OGM pour que personne ne l’oublie. Le titre de l’étude et le plan d’expérimentation indiquent qu’ils ont attribué au moins autant d’attention à l’OGM qu’à l’utilisation du roundup associée à sa culture. Ces deux points sont légitimes et annoncés très clairement mais sont, naturellement, susceptibles d’être discutés, tout aussi légitimement. C’est le lot commun de toute étude scientifique,…
Le point le plus marquant est que cette étude ne donne pas de statistiques sur deux observations mises en avant par les auteurs: le développement de tumeurs et la longévité des rats testés. Plusieurs instances et nombre de chercheurs (voir http://osur.univ-rennes1.fr/print.php?news.319 par exemple), qui ont fait ces statistiques à partir des données brutes publiées, concluent qu’il est impossible d’attribuer les variations observées aux traitements imposés aux lots expérimentaux (consommation d’OGM et/ou de roundup). La raison principale de cette incapacité à conclure est le faible nombre de rats mis en jeu par lot et à la faible puissance statistique des tests qui en découle (pour des détails sur cette question voir http://www.spc.univ-lyon1.fr/polycop/Puissance%20et%20NSN.htm).
Ainsi, pour être complet, il faut ajouter que ne pas pouvoir démontrer un effet n’est pas démontrer que cet effet n’existe pas ! L’absence de puissance statistique expose en effet au risque de ne pas montrer un effet pourtant réel.
On doit remarquer enfin que les données publiées permettent cette analyse critique (qui s’oppose aux conclusions des auteurs !) et paraissent sincères, ce qui a pu jouer en faveur de leur publication et à l’appel à de nouvelles expériences et résultats.
2) L’évaluation par les pairs:
Ce qui vient de leur être dit publiquement n’a pas du surprendre les auteurs de l’étude: ils avaient reçu les comptes rendus critiques des lecteurs de la revue qui a publié leurs données. En particulier ces lecteurs avaient du répondre à la question classique de savoir si les conclusions étaient cohérentes avec les résultats. On ne voit pas comment ils auraient pu ne pas attirer l’attention des auteurs sur la faiblesse statistique de leurs résultats.
La revue a, par ailleurs, annoncé la publication d’une discussion avec droit de réponse des auteurs et cela permet d’espérer une mise au point conforme avec le niveau de “transparence” qu’on peut attendre de l’évaluation par les pairs.
C’est l’occasion de rappeler que l’évaluation des publications par les pairs, comme le séminaire de travail et autres lieux de discussion comme les congrès, sont les moments de la recherche où l’esprit critique peut (et doit) s’exprimer le plus librement, au bénéfice des chercheurs eux-mêmes. Ceci ne va pas sans difficulté car, s’il ne doit pas être négatif et destructeur, l’esprit critique se doit aussi d’éviter toute complaisance.
Les réactions de lecteurs contre certains journalistes (Sylvestre Huet, Michel de Pracontal,…) “coupables” d’avoir rapporté les conclusions de diverses évaluations par des pairs rappellent à quel point la “méthode critique” reste méconnue ou incomprise. Ce qui naturellement n’interdit pas de la critiquer lorsqu’elle défaille. L’ “embargo” dont l’étude Séralini aurait été l’objet à (pour ?) son “lancement” n’a pas freiné cette évaluation par les pairs, mais il a pu troubler sa réception par le public.
3) L’expertise:
De fait la publication des données du groupe Séralini pose, a contrario, la question de l’absence de publicité (le mot est faible) sur les dossiers et études sur lesquels les experts (et les agences) appuient leur agrément de telle ou telle spécialité alimentaire ou pharmaceutique.
On peut voir sur cet aspect l’article de la fondation sciences citoyennes publié dès le 5 octobre dernier (http://sciencescitoyennes.org/sante-et-environnement-il-est-temps-de-sonner-lalerte-et-lexpertise/).
C’est sans doute le point essentiel (et positif) qu’il faut retenir de cette affaire et on suivra avec le plus grand intérêt l’audition publique organisée par le parlement le lundi 19 novembre prochain: « QUELLES LEÇONS TIRER DE L’ÉTUDE SUR LE MAÏS TRANSGÉNIQUE NK 603 ? »
D’ici là, nous n’oublierons pas qu’il ne s’agit que d’un OGM particulier. Mais qui, par construction, implique l’utilisation de roundup ce qui en fait une aberration écologique et agronomique.
Médiateur – rédacteur.
Ancien chercheur CNRS honoraire (Ethologiste et Evolutionniste).