Le 6 juillet dernier à Rennes, une quarantaine de sympathisant.e.s petits débrouillards s’est réunie à l’atelier « Éducation aux médias : et les sciences dans tout ça ? » organisé par le groupe média du comité local rennais. Résumé des échanges ayant eu lieu pendant cette après-midi.

C’est le format « World café » qui a été choisi pour animer cet échange, les participant.e.s pouvant réfléchir en petits groupes autour de trois tables : « La grande manipulation », « Ciel mon public » et « Et les sciences dans tout ça ? ». Plusieurs intervenant.e.s avaient été invité.e.s à se joindre aux discussions : Mehdi Derfoufi, chercheur en études cinématographiques, IRCAV, Université Sorbonne-Nouvelle, Gull, fondateur du site hacking-social.com, Xavier Milliner, coordinateur de la Corlab, Agathe Petit, rédactrice en cheffe du Labo des savoirs et David Puzos, doctorant en géographie de l’éducation, UMR Espaces et Sociétés, Rennes.

Construire son propre savoir

Crédit – Babosa’s Scream – Pierre-Yves Le Du

Chaque jour, chacun.e de nous se construit, forme ses opinions, déconstruit ses préjugés ou au contraire trouve de quoi les conforter. Nous nous forgeons une opinion à partir de nos propres expériences mais aussi à partir de données que nous recherchons, produites par d’autres et relayées notamment par les médias.

Les discussions qui ont eu lieu sur cette première table ont ainsi permis de dégager plus points :

  • La culture de l’immédiateté, de plus en plus présente, prend souvent le pas sur l’analyse et la fiabilité des informations mises à notre disposition,

  • La notion d’heuristique de disponibilité (mise à profit d’une information dont un individu peut avoir le souvenir rapidement) a été évoquée dans le cas des faits divers rapportés par les médias. Ce processus est mis en œuvre lorsque la perception de la récurrence d’un événement est plus liée à la familiarité que nous lui attribuons qu’à une évaluation objective de sa probabilité.

  • La question de la connaissance des intérêts économiques des médias (capital, partenariats, revenus publicitaires, revenus issus de l’utilisation des données des internautes, etc.) se posent quand on recherche une forme d’indépendance de l’information,

  • La question des lois « anti-fake news » et de la déconstruction des théories conspirationnistes ont été abordées, enlien avec nos actions d’éducation aux médias que nous menons auprès des jeunes en particulier. Définir le « fake » n’est pas chose aisée, cela nécessite de définir la vérité, qui est rarement objective et relève du consensus social.

Dans ce contexte, plusieurs pistes ont été citées pour développer son esprit critique face à la profusion d’informations : utiliser l’approche scientifique, vérifier ses sources, rechercher les auteurs, apprendre à décrypter des images, construire ses propres images et manipulations du langage médiatique.

Les participant.e.s ont rappelé la nécessité de partir des pratiques médiatiques des jeunes, le besoin de rédactions de chartes de déontologie sur les réseaux sociaux, l’importance de l’éducation aux mécanismes de propagation sur internet (viralité), à la notion de « bulles d’information » et à la monétisation des contenus.

« Ciel mon public »

Crédit – Babosa’s Scream – Pierre-Yves Le Du

Sur cette deuxième table dédiée aux publics, il a été question des processus de création des contenus médiatiques : pour être pensés, produits et diffusés, les contenus médiatiques font appel à des démarches de création et mettent en œuvre des concepts scientifiques et techniques intéressants à prendre en considération dans nos activités éducatives. Ici, c’est la question du « faire avec » et du « apprendre par le faire » qui se pose. À ce titre, le travail des radios associatives est intéressant puisqu’il amène à réaliser des émissions, à devenir acteur, à donner un pouvoir d’agir qui nous semble fondamental.

La question de l’adaptation des médias à chaque public s’est aussi posée, questionnant nos propres manières de produire et de diffuser des contenus médiatiques et éducatifs.

Enfin, plusieurs idées et envies d’actions communes sont ressorties autour de la création de radio ou de blogs traitant de culture scientifique et technique.

Et les sciences dans tout ça ?

Crédit – Babosa’s Scream – Pierre-Yves Le Du

Cette troisième table avait vocation à discuter des liens entre les sciences et les médias.

Les participant.e.s ont tous rappelé l’importance du travail de médiation pour éveiller la curiosité des publics sur les sujets scientifiques. Plusieurs personnes ont noté que les médias faisaient souvent appel à des personnalités – extérieures aux rédactions – pour traiter des sujets scientifiques. Ces « experts » se retrouvent ainsi invités à s’exprimer mais l’appropriation du sujet par les rédactions elles-mêmes n’est pas forcément possible.

La question du financement des projets « médias et sciences » a été discutée : la mobilisation de bénévoles sur ce type d’actions est compliquée car les compétences à réunir sont nombreuses et les projets souvent longs à préparer ; les dispositifs de financement sont encore peu nombreux ou mal connus par les acteurs de la culture scientifique et des médias.

La question de la crédibilité des médias scientifiques a été rappelée : la relecture par les pairs, le financement et l’indépendance éditoriale, la citation des sources, les sujets mettant en avant la méthodologie et la mise en parallèle des différentes études sont importants, la participation des citoyen.ne.s à la production et la vérification des données (exemple de Wikipédia). Enfin la notion d’éthnocentrisme a été évoquée, tout savoir scientifique s’inscrivant dans un contexte culturel donné.