de Michel Morange Editions Odile Jacob 2011

A lire, absolument (janvier 2012)

C’est un (petit) livre d’apparence très banale. Il parle (une nouvelle fois) d’évolution, ou plutôt d’histoire(s) de la vie. Son titre “La vie, l’évolution et l’histoire”. Pourtant le nom de son auteur parle à qui suit l’histoire de la biologie moderne: Michel Morange. Et la qualité de ses livres précédents oblige à regarder la quatrième de couverture de son petit dernier:
“… Cet ouvrage met au jour la convergence nouvelle qui semble apparaître entre les deux grands pans de la biologie, celui qui se concentre sur les mécanismes et celui qui prétend rendre compte de leur existence par des explications évolutionnistes. Il en sort ainsi une vision nouvelle du vivant,… ”

J’ai donc commencé cette année 2012 avec ce livre, en enviant tous les étudiants et chercheurs qui vont pouvoir se saisir des idées qu’il contient; en râlant sur moi-même d’avoir perdu presque un an avant de l’avoir trouvé (publié en février 2011 chez Odile Jacob).

J’en parle ici, car la grille de lecture de la biologie qu’il donne va servir quelques années,.. et si vous êtes amateur de biologie, biologiste amateur, “ptit deb”, etc, ce livre est pour vous.
J’en parle ici aussi comme ancien éthologiste qui a appelé longtemps (assez vainement je dois dire) le rapprochement entre “éthologie causale”, l’étude des “comment”, et ce qu’on nomme aujourd’hui “l’écologie comportementale” qui aborde la question des “pourquoi” et l’évolution des comportements. (voir aussi “l’instinct entre éthologie et évolution”).
Est-ce pourquoi je trouve que ce livre est un des meilleurs que Michel Morange ait écrit ?

Et à relire (mars 2012)

“La vie, l’évolution et l’histoire” de Michel Morange est un de ces livres qui peuvent passer inaperçus à leur publication mais sur lesquels on revient, immanquablement. A commencer, on l’espère, par l’auteur lui-même.
Biologiste moléculaire et cellulaire, historien de la biologie, Michel Morange possède les clefs qui permettent de comprendre la biologie actuelle, c’est à dire “la biologie en train de se faire”:
La fin du tout génétique ? certes; la critique et l’abandon du réductionnisme ontologique ? bien entendu; mais, au delà, le rapprochement, la discussion, l’intégration à venir(?) entre les disciplines qui jusqu’ici ne s’occupaient, à peu près, que des mécanismes (analyse des causes proximales des phénomènes biologiques, les “comment ?”) et ce celles “qui prétend(ent) rendre compte de leur existence par des explications évolutionnistes” (analyse des causes “finales”, les “pourquoi ?”, comme on dit).

Comme souvent on trouvera des précurseurs (Michel Morange en cite plusieurs) mais le point est ici de montrer comment ces deux “pans” de la biologie commencent à réfléchir sur ce que fait l’autre, voire à prendre à son compte les questions de l’autre. On doit prendre cette ouverture comme un progrès, même s’il ne se fera sans doute pas sans quelques incompréhensions ni quelques disputes.
Ce qui est nouveau, rafraichissant, utile, est de voir un chercheur interroger, de longue date, sa propre discipline, en repérer les limites et pointer ainsi les questions sur lesquelles elle reste peu efficace ( voir sa conférence “l’homme et le singe” par exemple ). Ceci lui permet d’interpeller efficacement les autres disciplines, celles qui traitent de l’évolution, sur leur “naïveté”, sans être soupçonné d’anti-darwinisme.
Raconter des histoires (telling stories) avec des modèles abstraits n’est pas encore reconstituer l’histoire (history) évolutive, ni des traits particuliers des espèces, ni des espèces elles-mêmes, reprend en substance Michel Morange.

Publié en 2011, après l’année Darwin, cet ouvrage témoigne au passage des frustrations que cette célébration a nourries. Occupés à la dénonciation de “l’ennemi extérieur” (le créationnisme) trop d’évolutionnistes ont adopté la posture très “politiquement correcte” d’y présenter le néo-darwinisme comme si tout y était résolu, alors que tant de points y demeurent en discussion.
Le caractère continu ou discontinu de l’évolution des espèces, par exemple, n’est pas le moindre et interroge l’anthropogenèse elle même,… Mais Michel Morange n’en reste pas à ces manques, il décortique des exemples et il attire très heureusement notre attention et notre envie sur … ce qui va suivre.