[Entretien] Les Petits Débrouillards Grand Ouest étaient présents fin janvier au Carrefour des gestions locales de l’eau, le grand rendez-vous annuel des acteurs de l’eau. Voisins de stand de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, nous avons profité de l’occasion pour interviewer Hervé Ponthieux, référent de l’information et de la sensibilisation à la délégation Maine Loire Océan, sur sa vision du partenariat historique entre l’Agence de l’eau Loire-Bretagne et Les Petits Débrouillards Grand Ouest.

 

Pourriez-vous vous présenter brièvement ?

Je travaille à l’agence de l’eau, sur le site de Nantes. Je suis coordinateur de projets territoriaux, en charge de schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE), qui sont des outils de planification sur un horizon de 10 ans visant la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. Le SAGE est élaboré collectivement par les acteurs de l’eau du territoire regroupés au sein d’une assemblée délibérante, la commission locale de l’eau (CLE). Véritable noyau décisionnel, la CLE, présidée par un élu local, se compose de trois collèges : les collectivités territoriales, les usagers (agriculteurs, industriels, propriétaires fonciers, associations, …), l’État et ses établissements publics. J’accompagne également les territoires dans le cadre de contrats territoriaux, qui en constituent un outil de programmation financière. Dans le cadre de ces contrats, nous pouvons, par exemple, financer des activités de restauration de milieux aquatiques, des actions de lutte de contre les pollutions et des travaux de réduction du ruissellement et des transferts vers des cours d’eau.
Je suis en outre le référent sur la thématique de l’information et de la sensibilisation aux enjeux de l’eau. C’est à ce titre que je m’occupe, pour la partie Pays de la Loire et en lien avec mes collègues de Saint-Brieuc, du partenariat avec les Petits Débrouillards.

Dans quel cadre s’inscrit ce partenariat ?

L’amélioration de la gestion de la ressource en eau passe par une meilleure compréhension des enjeux par les acteurs locaux, mais aussi l’acceptation des travaux et aménagements à mettre en œuvre ; c’est pourquoi l’agence de l’eau s’implique sur des actions de sensibilisation. L’eau est un sujet crucial et complexe, avec beaucoup d’acteurs en jeu, mais qui reste éloigné des préoccupations des habitant·es. C’est un peu la même problématique que pour le dérèglement climatique. La restauration des milieux aquatiques, les problèmes de qualité des eaux, cela fait des années qu’on en parle, mais pour autant on a du mal à avancer. Il faut monter en puissance sur l’acculturation pour que les choses avancent. Pour cela, nous travaillons en partenariat avec des structures comme Les Petits Débrouillards, les CPIE (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement), le Graine Pays de la Loire etc. qui nous accompagnent dans la mise en place d’actions pertinentes pour favoriser le dialogue et l’appropriation des enjeux et du rôle de chacun par le grand public.

Comment se concrétise-t-il ?

C’est un partenariat qui s’inscrit dans la durée. Mes collègues de la région Bretagne ont ainsi soutenu des actions pédagogiques en particulier sur la question littorale. Pour ma part, j’ai commencé à suivre le partenariat plus récemment, avec l’idée de travailler davantage sur les enjeux de l’eau, de porter à la connaissance du public les logiques de bassins versants, de faire prendre conscience que des pollutions qui se déversent loin du littoral l’impactent néanmoins. Nous avons ainsi monté en partenariat l’exposition “20000 lieues aquatiques“. Cette exposition vise à faire découvrir le fonctionnement et les grands enjeux liés à l’eau, à susciter le questionnement, la réflexion et le débat. Elle a pour ambition de permettre au public, y compris aux plus jeunes, de mieux cerner les acteurs et problématiques de la gestion de l’eau. Elle propose de donner une vision de bassins versants en constante évolution, et en interaction avec les populations humaines et leurs activités. Elle montre qu’une gestion durable et concertée des milieux aquatiques est nécessaire entre les acteurs d’un territoire (agriculteurs, industries, gestionnaires, structures touristiques, collectivités…) pour préserver à la fois la quantité et la qualité de la ressource en eau, mais bien au-delà, les écosystèmes dans leur globalité (paysages, biodiversité, fonctions hydrologiques sur le bassin versant).

Qu’est-ce qui vous a semblé particulièrement intéressant dans l’approche des Petits Débrouillards ?

Tout d’abord, l’association a su mobiliser des acteurs scientifiques, pluridisciplinaires, pour construire l’exposition et concevoir les modules. Et surtout, l’association possède une expertise pour créer des outils permettant d’aller vers les publics. Une conférence c’est bien, mais le plus souvent, ceux qui viennent sont déjà sensibilisés. Je défends l’idée qu’il faut aller au-devant des gens qui ne se sentent a priori pas concernés par les enjeux de l’eau et Les Petits Débrouillards possèdent un savoir-faire intéressant à cet égard avec des outils pédagogiques ludiques. Grâce au Science Tour, l’exposition circule partout dans le Grand Ouest et pas seulement sur le littoral, dans les terres aussi.

Quels enjeux à venir identifiez-vous en matière d’éducation aux enjeux autour de l’eau ?

Les enjeux évoluent. Initialement, c’est le sujet de la qualité de l’eau qui primait, puis est venu s’ajouter celui de la restauration des milieux aquatiques et arrive de manière plus globale celui du dérèglement climatique. La question quantitative prend de l’ampleur, avec des tensions qui deviennent très palpables sur la répartition des usages. Tout le monde veut de l’eau. Dans les projections sur 30 ans pour les Pays de la Loire, les volumes annuels pluviométriques seront proches de ceux d’aujourd’hui, mais l’eau dans les rivières se répartira différemment dans le temps et sur le territoire… Il va falloir monter en puissance sur l’éducation à ces enjeux. Il est nécessaire pour cela d’avoir une approche ciblée en termes de thématiques et de publics, avec des outils adaptés, mais également plus systémiques, en coordination avec les différents acteurs de l’éducation à l’environnement du territoire.